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The river journey of a healing Salmon & its Oyster shell
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20 juillet 2017

Broca

Extrait d'entretien

Roland Broca

(Docteur en psychiatrie générale

+ psychiatrie infanto-juvénile)




"Il est important de distinguer le lien conjugal du lien parental, c'est-à-dire distinguer le couple conjugal par rapport au couple parental. Dans l’évolution du couple, c’est le couple conjugal qui va déterminer le couple parental. Mais dans le passage du couple conjugal au couple parental, il va s’opérer des remaniements psychologiques très importants, qui vont pouvoir occasionner des perturbations, y compris, dans certains cas, des perturbations psychopathologiques, capables de mettre en péril le couple conjugal dans sa fonction de couple parental et vice versa.

Parler de parentalité, suppose aussi de bien distinguer ce que veut dire être père ou être mère, parce qu’on peut avoir un enfant sans être à aucun moment ni père ni même mère, car il y a des mères qui peuvent abandonner leur enfant suite à des difficultés. Elles auront conçu un enfant, mais elles n’auront jamais été, fonctionnellement et en droit, mères. En effet être père ou mère ce n’est pas un état, c’est une fonction, pratique et symbolique incarnée dans le quotidien des trois, et de l’amour apportés à l’enfant. Les pères aussi peuvent concevoir un enfant, parfois à leur insu d’ailleurs, mais sans jamais avoir été réellement père de ce fait. Et par la suite, ces personnes pourront avoir à un certain moment une revendication de paternité ou de maternité, mais sans avoir jamais exercé la fonction parentale. Car ce qui compte au niveau humain, c’est exercer la fonction, et non pas la dimension biologique. Ce qui compte, ce n’est pas d’avoir donné un ovule ou un spermatozoïde, mais d’apporter à l’enfant la sécurité, les soins, l’affection etc

 

La parentalité légale elle-même n’est pas un critère satisfaisant. Le rattachement par l’inscription dans un registre d’état civil, s’il confère des droits formels qui pourront être à l’occasion revendiqués comme légitimes d’un « devoir de propriété » sur l’enfant ne suffisent pas à créer un lien satisfaisant avec l’enfant. Si la personne est dans l’incapacité d’apporter les soins, la sécurité et l’amour, on ne peut pas considérer que cette personne soit réellement la mère ou le père de l’enfant, à l’opposé d’une femme ou d’un homme qui adoptent un enfant - à condition que cela se fasse dans certaines conditions, suffisamment précocement pour que l’attachement puisse se produire. Ces personnes, qui ne seront pas des parents biologiques, deviennent ainsi de véritables parents pour ces enfants et il n’y en aura pas d’autres, car aucune autre personne n’a pu exercer la fonction de parent, qui est une fonction éminemment symbolique mais également incarnée dans une attention au quotidien. La fonction biologique est purement animale, alors que la fonction humaine est symbolique. C’est cela qui complique les choses aussi, car la personne qui aura porté cette part biologique, même si elle n’a pas exercé la fonction, peu se sentir des droits sur l’enfant.

Un autre problème provient du fait que les parents, ceux qui exercent la fonction parentale peuvent se sentir, de ce seul fait, propriétaires de leurs enfants. Certaines personnes considèrent que le fait d’avoir un enfant est un droit, et que l’enfant est un bien de consommation comme un autre

Dans ce concept de parentalité peuvent s’introduire toutes sortes de facteurs qui vont perturber le schéma traditionnel du couple et de la famille. Mais nous ne sommes plus dans le concept traditionnel du couple et de la famille depuis un certain temps, et les valeurs dites traditionnelles sont depuis longtemps inopérantes, pour ceux qui ne s’y réfèrent plus. Les difficultés que l’on rencontre actuellement, le fait que les problèmes de la famille soient de plus en plus judiciarisés, sont liés évidemment à ces évolutions. Autrefois les problèmes de la famille n’étaient pratiquement pas judiciarisés : leur résolution relevait du conseil de famille, ou de l’autorité du pater familias. La loi ne rentrait pas dans le domaine de la famille. Elle y rentrera de plus en plus du fait que les cadres institutionnels contractuels de la famille n’existent plus, ou existent de moins en moins. A partir de ce moment, c’est la loi qui vient assurer, garantir la partie contractuelle qui a été évacuée de la volonté des sujets.   C’est le retour du refoulé.

Pour parler plus précisément des problèmes et des situations extrêmes que vous évoquez, il n’y a pas de raison objective à la limite du conflit, lors de la dissolution du couple parental. Je constate tous les jours, qu’il y a des parents qui vont se disputer la garde de l’enfant de façon extrêmement conflictuelle, avec la volonté farouche d’un deux parents de garder le contrôle absolu de la garde des enfants. Je constate que la majorité des cas que je suis amené à examiner dans mes fonctions expertales, et qui n’arrivent pas à se résoudre de façon à peu près consensuelle, relèvent, pour l’un des partenaires du couple parental, d’une pathologie mentale, et c’est ce qui justifie ce terme « d’aliénation parentale », avec la connotation que je lui donne, dans un sens pathologique au sens large. Ces deux parents, et au-delà les deux familles, qui se disputent un enfant dans un cadre juridique, vont déclencher une bataille judiciaire qui va devenir un enfer pour les deux, et qui aura des conséquences très importantes par la suite pour l’équilibre psychique de l’enfant. Dans ce genre de situation extrêmement conflictuelle, que je viens souvent à examiner, un des deux parents présente une personnalité nettement pathologique. Cette réalité est évidemment niée, car les gens ne comprennent pas que c’est une pathologie mentale caractérisée qui a occasionné la rupture du lien conjugal puis du lien parental. Et là on se heurte à deux difficultés majeures.

 

Le plus fréquent, c’est le démarrage après la naissance de l’enfant d’une pathologie mentale chez la mère, pathologie mentale de type psychose puerpérale, qu’il faudrait définir plus précisément bien entendu, mais qui révèle un domaine de psychose, probablement schizophrénique. C’est cette pathologie mentale, qui, dans certains cas, va faire éclater le couple conjugal.

 

Je vais vous donner un exemple à partir d’un cas clinique que j’ai bien étudié : une femme va faire une dépression post-partum, présenter des idées délirantes et avoir des difficultés à s’occuper de son enfant. Elle va être hospitalisées, va être traitée, mais faute de prise en charge adéquate, va se montrer incapable non seulement de faire face à ses responsabilités de mère, mais également à ses responsabilités d’épouse. Plus de relations sexuelles entre les parents. Le mari va réagir en rompant le lien conjugal, ce qui oblige sa femme à revenir chez ses parents, qui sont dans le déni total de la dimension pathologique du conflit. Ils sont dans l’idée que si elle va mal, c’est parce que son mari l’a rejetée. La dimension psychopathologique est complètement évacuée, déniée. Bien que les parents sachent que leur fille est suivie par une équipe de psychiatrie, et qu’elle prend des neuroleptiques, ils occultent leur propre responsabilité dans le fait que leur fille soit une malade mentale, et que ce n’est pas la rupture du lien conjugal qui a occasionné la maladie mentale mais le contraire. Ce couple se retrouve dans un conflit juridique et judiciaire sans fin, et dans 20 ans ils seront encore dans la même situation. [...] "

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