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The river journey of a healing Salmon & its Oyster shell
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21 juillet 2017

SOFTLY

Avale.

Quand ça lui prenait elle choisissait un menu infâme, sans transition entre un poisson pané-riz et le pire des mélanges à l'odeur suspecte, sûre que j'allais refuser de manger. On entamait les prolongations où elle pourrait menacer plus longtemps. C'était le moment des larmes mais peu importe il était hors de question que j'avale. Le temps additionnel pouvait tarder jusqu'à 13h, 14h.. Quand des fois mon père se pointait. Quand on a la vie coupée en soi, qu'on est en boule dans sa gorge, ça peut pas passer. Avaler des petits poids et de la viande rouge ou pire du cheval... quelle horreur. Je sens encore le motif dessiné par la paille des chaises contre mes cuisses tellement je refusais de manger, et donc ne pouvais partir. Mais j'en avais tellement rien à foutre qu'elle veuille me forcer. Elle pouvait mettre des mots dans mon corps, elle pouvait lui faire mal dehors, mais dedans c'était à moi et elle pourrait pas rentrer par ma bouche. Des fois ils s'amusaient à venir à côté pendant que je pleurais de haine et avec la fourchette me mettaient des morceaux dans la bouche. Les connards. Ils riaient. Je faisais un stockage dans mes joues et allais tout recracher n'importe où après. Quand on veut me détruire on a pas à me nourrir après. Je ne supporte pas que l'on m'oblige à intégrer de force quelque chose dans mon corps, dans mon espace ; et ce d'autant moins que l'obligation provient de personnes contre lesquelles j'ai une colère sourde qui crie en moi.

 

« Vas faire le courrier »

 

Des fois on m'envoyait « faire le courrier ». Cette expression décrit bien à la fois le message que je transportais et celui que j'allais chercher. Quand elle avait passé la matinée à hurler comme un dragon avec un piment en travers de la gorge, j'avais une honte corporelle et intérieure qui se voyait d'autant plus décuplée par la montée d'appréhension de croiser un des voisins et qu'il me parle... « Alors comment a va ma jolie à la maison ? Ta mère et ta sœur ? On a entendu maman crier ce matin ! ». Moment de blanc. Qu'est ce que tu veux répondre ? « oui j'ai très mal au ventre de peur et envie de vomir mais je dois vite y retourner sinon ça va être pire ». Evidemment que non. D'autant moins que j'allais apprendre plus tard que la politesse sociale veut que l'on rassure l'interlocuteur même si ni lui ni vous n'êtes dupes. Il demande à être rassuré et s'assurer sa tranquilité personnelle de ne pas avoir à s'en mêler, le tout sans culpabiliser de sa non assistance. C'est une forme d'hypocrisie douloureuse pour moi mais confortante pour autrui. Il vient évacuer devant toi des doutes, en te demandant que tu nettoies cet espace et qu'il puisse reprendre sa vie tranquile, le tout avec un sourire entendu. C' était ce genre de moment où tu es pleine de vomi dégoutant, la haine de ta mère, que l'autre sent sans pouvoir déterminer ce que c'est tout en ayant une vague idée, mais comme on pointe pas du doigt un vomi... vous vous saluez poliment et chacun rentre chez « soi ». Ils demandaient à pouvoir saluer ma mère avec un sourire, de loin, quand ils allaient la voir sortir de la maison. Et elle s'assurait de leur renvoyer la même chose, d'obtenir la confirmation par cette convention que sa belle image de mère n'était pas écornée ou pire, démasquée.

 

Comment va?

Après ce genre de nutrition mêlée de honte et de rage, on allait voir mamie. On était bien calmes. Bien calmée. Notre cerveau avait un temps de latence pour bien intégrer et ranger aux bons endroits les humiliations et annihilations du matin. J'étais dans un état second où je n'aurais pas pu répondre à une question trop complexe ou qui demande plus qu'un automatisme. À la question « comment va ? Qu'est-ce que vous avez fait ce matin ? » de mère grand, ma mère énumérait le sempiternel « Rien, devoirs, ménage, rangement... ». c'était toujours le même jeu relationnel entendu entre mère grand et elle. Des fois il y avait la sœur de ma mère qui orientait la discussion avec le jeu « tu devrais faire du sport Flo, ça te défoulerait ! D'être toujours à ta maison là c'est pas bon. ». Et ma mère de rejouer en disant qu'elle n'avait pas le temps, qu'elle devait s'occuper de la maison, des filles, des courses, de « tout », qu'elle était « seule », que ce qu'elle ne faisait pas «  personne ne le ferait ». Et effectivement, nous l'espérions !

A sa décharge, ma tante ne savait pas (ou finalement savait?)) que ma mère avait ingénieusement trouvé de quoi combiner séance de cardio, défoulement psychique et petits étirements complémentaire. Il faut dire qu'il lui arrivait à elle même, ma tante, et ce malgré d'intenses pratiques sportives, de céder à ce genre de «séance officieuse» quand elle perdait le contrôle sur nos cousins. Mais c'est une autre histoire qu'il n'est pas la peine de relater tant elle est d'un point de vue clinique, pathétiquement semblable à celle qui est exposée ici. Ma mère retirait de ces moments de jeu, les bénéfices simultanés de la plainte et de la complaisance à se faire elle-même esclave du foyer et de notre tenue, « n'ayant pas une minute pour elle » - à notre plus grand regret.

 

Killing me softly

 

« C'est malheureux d'être obligée de crier pour que vous vous bougiez ! Il n'y a que quand je crie que vous écoutez bien ».

Hélas oui. Il n'y avait que quand tu pétais litéralement un câble sur nos têtes que nous étions obligées de supporter ta haine d'être, de vivre, et d'écouter pour la millième fois le récit de tes regrets – dont nous faisions inmanquablement partie à chaque fois -. Nous ne pouvions aller nulle part ailleurs comprends le bien, car cette maison était un piège refermé et nous, trop bien sonnées (merci le gas lighting et l'état de tétanie), pour ne pas oser franchir le seuil de cette porte et demander de l'aide. On bougeait comme des petits insectes pris au piège, incapables de te planter au milieu de cette asphyxie que tu provoquais, toi la conne hystérique que tu étais.

 

Once I was afraid, I was petrified,

thinking I could nerver live without you by my side,

but then I've spend so many nights, thinking how we did it wrong and I got strong,...

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